CRI prépare une étude sur l’exploration et l’extraction d’huile et de gaz de schiste.

Ecrit par Jean Albert 

Mercredi, 13 Novembre 2013 15:25

Le 7 Septembre 2012, la Commission européenne a publié trois études sur les hydrocarbures non conventionnels, en particulier le gaz de schiste. Les études portent sur les effets potentiels de ces combustibles sur les marchés de l’énergie, l’impact climatique potentiel de production de gaz de schiste et les risques potentiels relatifs à l’exploitation et à la fracturation hydraulique que les gaz de schiste pourraient présenter pour la santé humaine et l’environnement.
La première étude relative à l’impact sur le marché de l’énergie montre que le développement des gaz non conventionnels aux États-Unis ont permis la disponibilité de plus grandes réserves de gaz naturel liquéfié au niveau mondial, ce qui a eu un impact direct sur les prix du gaz dans l’UE[1].
La seconde étude relative à l’impact climatique montre que le gaz de schiste produit dans l’UE entraîne des émissions de gaz à effet de serre plus importantes que le gaz naturel classique produit dans l’UE, mais – si cette ,production est bien gérée – moins de gaz à effet de serre que le gaz importé de l’extérieur de l’UE, que ce soit par gazoduc ou par méthanier en raison  de l’impact sur les émissions provenant du transport de gaz à longue distance[2].
La troisième étude sur l’impact environnemental montre que l’extraction du gaz de schiste entraîne généralement une plus grande empreinte écologique que l’exploitation de gaz conventionnel[3]. Des risques de contamination des sols et eaux souterraines, l’appauvrissement des ressources en eau, pollution de l’air et sonores, occupation des terres,  perturbation de la biodiversité et impacts liés à la circulation sont jugés trop élevés dans le cas des projets cumulatifs.
L’Union Européenne vient le 9 Octobre 2013 de prendre la première mesure de précaution concernant l’utilisation de la technique du fracking dans les amendements du Parlement européen à la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil modifiant la directive 2011/92/CEE concernant l’évaluation des incidences de certains projets publics et privés sur l’environnement.  Le Parlement ajoute notamment un article :
« (23 bis).  Les seuils de production prévus pour le pétrole et le gaz naturel à l’annexe I de la directive 2011/92/UE ne tiennent pas compte des spécificités des niveaux de production quotidienne des hydrocarbures non conventionnels, qui sont souvent extrêmement variables et inférieurs. Dès lors, malgré leurs incidences sur l’environnement, les projets concernant ces hydrocarbures ne sont pas soumis à une évaluation obligatoire des incidences. Au titre du principe de précaution, comme l’exige la résolution du 21 novembre 2012 du Parlement européen sur les incidences sur l’environnement des activités d’extraction de gaz de schiste et de schiste bitumineux, il convient d’inclure les hydrocarbures non conventionnels (gaz et schiste bitumineux, gaz de réservoir étanche, méthane de houille), définis en fonction de leurs caractéristiques géologiques, à l’annexe I de la directive 2011/92/UE, indépendamment de la quantité extraite, de sorte que les projets concernant ces hydrocarbures soient systématiquement soumis à une évaluation de leurs incidences sur l’environnement[4]. »
La France a adopté la loi n° 2011-835 du 13 juillet 2011 visant à interdire l’exploration et l’exploitation des mines d’hydrocarbures liquides ou gazeux par fracturation hydraulique et à abroger les permis exclusifs de recherches comportant des projets ayant recours à cette technique[5].  La validité constitutionnelle de cette loi a été confirmée par le Conseil Constitutionnel dans sa décision n° 2013-346 QPC du 11 octobre 2013[6].  La conséquence de cette loi est que la société américaine Schuepbach Energy LLC perd ses droits d’exploration.
La Bulgarie a adopté une résolution parlementaire en Juin 2012 interdisant le fracking[7].  La loi stipule par ailleurs que toute violation de ses dispositions peut donner lieu à l’imposition d’une amende de 50 millions d’Euros et d’une confiscation des équipements[8].  La conséquence immédiate de cette loi est que la société américaine Chevron qui avait obtenu une autorisation d’explorer et d’extraire se l’est vue retirée.
Ces deux pays ont cédé à la pression populaire pour adopter des mesures visant à interdire l’utilisation de la technique de fracturation hydraulique visant à l’exploration et à l’extraction de l’huile et du gaz de schiste.  L’extraction de l’huile et du gaz de schiste n’est pas interdite en tant que telle.  C’est la technique actuelle d’extraction qui l’est car nombre de personnes pense que les avantages sur le court terme qu’elle génère sont inférieurs aux coûts environnementaux qu’elle entraîne sur le long terme.
La question est délicate.  Alors que l’Europe vit une crise économique marquée par une baisse exceptionnelle du niveau de vie de ses citoyen et que l’on obverse une disparition progressive du tissu industriel européen, les Etats-Unis vivent eux un renouveau industriel grâce au coût faible des hydrocarbures résultant de l’extraction de l’huile et du gaz de schiste.  Pour autant, les problèmes environnementaux soulevés par la fracturation hydraulique inquiètent les citoyens qui préfèrent aujourd’hui sacrifier le confort immédiat que procurerait l’afflux d’hydrocarbures à prix bas pour la préservation de l’environnement sur le long terme.  Le mieux serait bien entendu que des technologies propres soient développées afin de relancer les économies sans nuire trop à l’environnement.  La question est : peut-on les développer et exploiter ces ressources avant que nos économies n’implosent ?  La réponse devrait-être affirmative.  Notamment parce la faiblesse de la demande en hydrocarbures des Etats-Unis sur les marchés internationaux devrait naturellement conduire à une baisse généralisée des prix…mais il semblerait qu’en matière de produits énergétiques la réalité ne suive pas une logique économique.  Les prix continuent d’augmenter dans certains pays européens et se stabilisent – à des niveaux élevés – dans d’autres.
C’est d’ailleurs ce qui peut inquiéter les citoyens.  En effet, si l’on accepte que toute activité humaine nécessite de l’énergie et donc pollue et l’on peut accepter le fracking sachant qu’il pollue dès lors que l’avantage qu’il propose pour les citoyens dépasse les inconvénients qu’il produit…or une question essentielle se pose :  l’autorisation du fracking servira-t-elle effectivement les intérêts des citoyens ?  Comment garantir que le sacrifice fait le soit effectivement pour la cause initialement souhaitée ?  Les citoyens américains risquent de se voir confrontés à cette question très prochainement.  En effet, depuis trois ans la production d’huile et de gaz de schiste a été telle que l’offre a écrasé la demande résultant en une baisse importante des prix des produits énergétiques.  Les citoyens ont pu donc bénéficier pleinement du miracle des hydrocarbures de schiste…on pourrait presque conclure que le résultat récompense le sacrifice…sauf que les sociétés productrices d’entendent pas de cette manière.  Elle ne gagne plus assez à leur goût.  On assiste donc aujourd’hui aux Etats-Unis à un lobbying important de la part des sociétés pétrolières pour modifier la législation américaine et vigueur[9] et permettre l’exportation de gaz et de pétrole.  Si ces sociétés réussissent à convaincre le législateur, elles pourront exporter le pétrole et le gaz et les prix locaux augmenteront…permettant de remplir les poches des sociétés pétrolières et le vider celles des citoyens qui auront sacrifiés leur environnement pour se voir aussi privés d’une bonne partie du bénéfice.

 

 

[1] http://ec.europa.eu/dgs/jrc/downloads/jrc_report_2012_09_unconventional_gas.pdf
[2] http://ec.europa.eu/clima/policies/eccp/docs/120815_final_report_en.pdf
[3] http://ec.europa.eu/environment/integration/energy/pdf/fracking%20study.pdf
[4] http://www.europarl.europa.eu/sides/getDoc.do?pubRef=-%2F%2FEP%2F%2FNONSGML%2BAMD%2BA7-2013-0277%2B084-092%2BDOC%2BPDF%2BV0%2F%2FFR
[5] http://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000024361355&dateTexte=&categorieLien=id
[6] http://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000028057334
[7] http://www.romandie.com/news/archives/_Gaz_de_schiste_la_Bulgarie_interdit_la_fracturation_hydraulique180120121501.asp
[8] « Environment People Law »: Bulgaria: Chevron Fracking Not Permitted
[9] La législation américaine interdit les exportations d’hydrocarbures pour justement en garantir la présence en abondance à prix raisonnable sur le marché américain.

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