Bärbel Bohley

Ecrit par Ludivine Tomasso, Jean Albert  – Edité par Emilie Dessens 

Jeudi, 28 Octobre 2010 22:19

 

Une des voix de la liberté, selon Angela Merkel, s’est tu le 11 septembre, 2010.
Bärber Bohley, souffrant d’un cancer des poumons et se sachant condamnée, était revenue à Berlin, sa ville natale.
Cette femme a été une des figures de proue de la dissidence dans  l’Allemagne de l’Est et a toujours pris position en faveur de la défense des droits civiques.

                   Bärbel Bohley : la lutte pour les droits civiques

 

C’est dans les ruines de Berlin que Bärbel Bohley est née, en mai 1945, quelques semaines après la fin de la Seconde Guerre mondiale.
Bärbel fait des études de gestion des affaires industrielles.
Elle travaille ensuite dans une usine avant de devenir enseignante.
Très vite pourtant, elle se tourne vers l’art et notamment la peinture.  Elle étudie la peinture à l’Académie d’art de Berlin de 1969 à 1974.  Elle devient un peintre très apprécié s’inspirant de l’œuvre de Käthe Kollwitz dont le travail plait beaucoup aux dirigeants du pays.
D’ailleurs elle remporte de nombreux prix dont un voyage en URSS en 1976.  Ce voyage lui fera l’effet d’un électrochoc.  Elle est déçue et choquée par ce qu’elle y découvre. Dès lors, pour elle, l’idée germe que le modèle soviétique n’est pas viable.
De retour à Berlin, Bärbel Bohley décide de s’engager en faveur des droits civiques.  Elle fonde l’association Women for Peace profitant d’une loi autorisant la mobilisation des femmes en cas d’urgence.  Elle se bat notamment pour la liberté d’expression et le désarmement.
En 1982, elle est expulsée de l’association des artistes de la RDA pour avoir fondé le réseau Women for Peace et est accusée d’avoir fourni des informations aux verts ouest-allemands et aux militants anti-nucléaire anglais dans le cadre de la campagne pour le désarmement ; elle est arrêtée par la Stasi.  Elle est emprisonnée avec son amie Ulrike Poppe avec qui elle collabore pour ce mouvement. Elles seront relâchées six semaines plus tard. Etant donné le contexte international, la célébration de l’anniversaire de la mort de Marx et surtout la négociation d’un prêt important avec l’Allemagne de l’Ouest, les autorités est-allemandes ne pouvaient pas se permettre d’avoir une mauvaise image.
A partir de 1982, la Stasi la place sous surveillance. Malgré cela, elle participe à la formation en 1986 de l’association Initiative for Peace and Human Rights qui se révèlera être l’un des plus virulents et efficaces groupes d’opposition en Allemagne de l’Est.  Ce groupe restera indépendant.
En 1988, à l’occasion de l’anniversaire de la mort de Rosa Luxembourg et de Karl Liebknechet, 120 personnes désireuses de quitter l’Allemagne de l’Est sont arrêtées pour avoir protesté durant les cérémonies officielles. Leurs familles se tournent alors vers Bärber Bohley pour obtenir de l’aide. 10 jours plus tard la Stasi l’arrête à nouveau.  La RDA lui « offre » alors un visa de six mois pour la Grande-Bretagne. Obligée de quitter son pays, elle fait tout pour y revenir.  De retour début 1989, elle fonde alors avec  Jens Reich et Jutta Seidel le « new forum », qui lance l’appel « le temps est venu » et exige un dialogue immédiat avec le gouvernement sur les réformes démocratiques. En quelques semaines, 200 000 personnes rejoignent ce mouvement.

1989-1996, de la chute du mur jusqu’à son départ pour l’ex-Yougoslavie

Le 9 Novembre 1989, le « mur » tombe.
Le Mouvement New forum fusionnera en février 1990 avec le mouvement Democracy Now et Initiative for Peace and Human Rights pour devenir Alliance 90 (Bündnis 90) qui s’est ensuite ralliée aux Grünen (verts) allemands.
Après la chute du mur, avec d’autres militants, elle occupe pacifiquement les locaux de la Stasi pour garantir l’accès aux dossiers « confidentiels » brandissant le slogan « les fichiers nous appartiennent ».
En 1993, après avoir lu son dossier, elle accuse publiquement Grega Gysi, le leader du parti social-démocrate, d’avoir été un informateur de la Stasi. Elle est condamnée pour diffamation et passe quelques jours en prison car elle refuse de payer l’amende.
En 1994, elle se présente comme candidate du New Forum aux élections européennes.
Durant les années 1995-1996, elle organise tous les lundis des réunions dans son appartement berlinois auxquelles participent des intellectuels de l’Est comme de l’Ouest.  Y débattent notamment Henryk M. Broder (journaliste allemand travaillant pour le Der Spiegel entre autres), Freimut Duve (élu une fois au Bundestag ; il siège aujourd’hui à l’OSCE pour la liberté d’expression), et Horst Sagert.
Enfin, en 1996, elle crée l’association « Bürgerbuero e.V » avec l’appui de différentes personnalités comme Helmut Kohl (ancien chancelier allemand), Rudolf Scharping (politicien appartenant au parti Social-démocrate allemand plusieurs fois membre du gouvernement), Ignatz Bubis (président du conseil central des juifs allemands) et l’écrivain Wolf Biermann. Cette association a pour but d’aider les personnes qui ont été persécutées de façon continuelle par la RDA.

 

Le départ de Bärbel pour la Croatie et sa volonté d’aider les populations de l’ex-Yougoslavie

Finalement, après un second mariage avec Dragan Lukic, un enseignant, elle quitte Berlin pour le rejoindre en Croatie.
Elle décide là aussi de se battre en apportant son aide aux réfugiés de l’Ex-Yougoslavie.
A partir de 1996, elle travaille pendant 3 ans à l’OHR (Office of the High Representative) en Bosnie, organisme chargé de contrôler le respect des accords de Dayton de 1995 mettant fin aux combats interethnique en Bosnie-Herzégovine.
Elle participe dans ce cadre à des projets de reconstruction.
Elle aide également les enfants des familles de réfugiés de l’ex-Yougoslavie en leur permettant de partir en vacances gratuitement grâce à l’association Seestern e.V.
Enfin, en 2006, elle participe au projet « Zisternen » – réservoir- pour fournir de l’eau potable dans les camps de réfugiés en Bosnie.

 

Une réunification trop rapide

Elle a été dans les dernières années du régime communiste en Allemagne une des figures importantes de la dissidence se permettant de critiquer ouvertement le régime.
Son mot d’ordre était « on reste ici », elle n’a jamais voulu quitter son pays pour l’Allemagne de l’Ouest.
Cependant après la chute du mur, elle n’a jamais voulu adhérer à aucun parti politique.
Elle n’a pas su trouver sa place dans le nouvel ordre politique créé par la réunification mais cela ne l’a pas empêchée de continuer de se battre pour ses idéaux.
Pour elle, la réunification était arrivée trop tôt et n’avait pas su reconnaître les aspects positifs du régime socialiste. Elle a toujours critiqué le mode de vie ouest-allemand « des vêtements chics mais des visages vides ».
Bärber Bohley s’est éteinte à l’âge de 65 ans, après son retour à Berlin, dans le quartier qu’elle avait toujours habité, Prenzlauer Berg.

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