L’augmentation des persécutions contre les minorités religieuses dans quelques pays musulmans : le cas Aasia Bibi au Pakistan

Ecrit par Jean Albert,  Ludivine Tomasso – Editeur: Jacqueline Duband, Emilie Dessens 

Jeudi, 23 Décembre 2010 02:02

 

Plusieurs pays à majorité musulmane possèdent des lois visant à punir les personnes jugées coupables de blasphème.  Ces lois sont discriminatoires puisqu’elles ne reconnaissent le blasphème que lorsqu’il est dirigé contre l’Islam.  Il existe des lois sur le blasphème dans d’autre pays comme en Autriche, au Danemark, and Espagne, en Finlande, en Irlande, en Suisse,  ou en Allemagne par exemple mais celles-ci s’appliquent à toutes religions contrairement à celles en vigueur dans de nombreux pays musulmans.  On notera pourtant qu’il existait jusqu’en 2008 une réglementation discriminatoire sur le blasphème en Angleterre.  Le crime n’était constitué que pour les insultes proférées envers le christianisme.    Par ailleurs, la CEDH déclare dans l’arrêt Wingrove de 1997 que l’interdiction du blasphème n’est pas incompatible avec l’article 10 de la Convention européenne des droits de l’homme sur la liberté d’expression puisque cette liberté comporte des obligations et des devoirs notamment par référence à l’article 9 de la même convention et du droit de sanctionner ceux qui offensent les croyances d’autres personnes.
Ainsi, en Jordanie, une personne qui est accusée de blasphème contre l’Islam ou d’avoir insulté le prophète Mahomet peut se voir condamner à faire de la prison.  La peine maximum est de trois ans d’emprisonnement.
En Egypte aussi, il existe des lois visant à punir les coupables présumés de blasphème qui servent surtout d’instrument de répression contre les minorités religieuses du pays.
L’Iran n’est pas épargné avec une définition du blasphème qui protège même certaines personnalités politiques.
Mais c’est au Pakistan que les lois sur le blasphème sont les plus dures. En effet, la condamnation peut aller jusqu’à la peine de mort.
Le chapitre 15 du code pénal pakistanais définit les cas dans lesquels une personne peut être accusée de blasphème. L’article 295-C du code pénal pakistanais prévoit donc qu’une personne peut être accusée en cas d’offense contre le prophète Mahomet : « sur l’emploi de remarque désobligeante etc… vis-à-vis du prophète Mahomet : Quiconque par ses paroles ou ses écrits de façon formelle ou rapportée, par des insinuations directes ou indirectes,  défie le nom sacré du prophète Mahomet sera puni par la mort ou condamné à la prison à vie. Il pourra également être condamné à payer une amende. »
L’article de loi prévoit donc qu’une personne peut être condamnée sur le simple fait d’un témoignage sans avoir besoin de preuve supplémentaire. De plus, la définition du blasphème dans cet article est très floue et peut englober toutes sortes de paroles ou d’interprétations de paroles.
La loi a été amendée en 2004 pour imposer une enquête plus complète de la part des autorités de police avant toute inculpation.  Mais la mise en œuvre de ce léger changement n’a pas eu l’impact escompté dans la pratique.

Le cas d’Aasia Bibi condamnée à mort pour Blasphème au Pakistan

Le 8 novembre dernier, Aasia Bibi a été condamnée à la peine de mort pour avoir blasphémé.  Cette condamnation intervient quatre mois après que deux pasteurs accusés de blasphème aient été assassinés à leur sortie du tribunal et un an après l’entrevue entre le Président Zardari avec le Pape Benoît XVI qui notamment a porté sur cette loi.
Aasia Bibi est une chrétienne de 37 ans, mère de 5 enfants. Elle a travaillé pendant toute sa vie dans les champs autour de son village.
L’accusation a été lancée par une de ses collègues en 2009.  Une altercation a eu lieu entre Aasia et sa collègue lorsque celle-ci a refusé de boire l’eau qu’elle avait touchée sous prétexte qu’Aasia n’était pas musulmane.
Mais cette condamnation à mort d’Aasia Bibi pour blasphème représente bien une nouvelle étape dans la montée des extrémistes islamiques au Pakistan et dans le ciblage des minorités religieuses du pays. En juin 2009, plusieurs familles chrétiennes ont fait l’objet d’attaques. Environ une trentaine de personnes sont mortes après qu’une foule en colère s’en soit pris à la minorité chrétienne du pays. En tout, une centaine de maison a été incendiée.
Aasia Bibi est également la première femme à écoper de la peine de mort pour un cas de blasphème, ce qui tend à montrer un durcissement des juges à l’égard du blasphème et l’introduction d’un climat peu propice à la liberté de culte.  On notera que si la Grande-Bretagne avait aussi une réglementation discriminatoire sur le blasphème jusqu’en 2008, la dernière condamnation à mort remonte à 1697.
La minorité chrétienne dans ce pays représente moins de 5% de la population totale. De plus, les chrétiens pakistanais connaissent certaines restrictions.  Ils ne sont, entre autres, pas éligibles au poste de Premier ministre ou de Président du Pakistan.
L’application de cette loi concernant le blasphème permet également de viser de façon systématique les minorités religieuses qui vivent au Pakistan en brandissant la menace de poursuites.
Parce que cette loi est utilisée contre les minorités, elle doit être abrogée car elle ne s’applique pas à tous les habitants du pays et à toutes les religions.
On peut aller plus loin et dire que cette loi symbolise la faillite de l’état de droit au Pakistan car un des principes fondamentaux des droits de l’homme reste bien l’égalité devant la loi, ce qui n’est visiblement pas respecté au Pakistan.

 

Un système judiciaire défaillant soumis à la peur de représailles

Les procès concernant les cas de blasphèmes mettent en lumière les défaillances du système judiciaire pakistanais.
En effet, les exécutions extra judiciaires sont choses courantes dans des affaires de ce type.
Cette année, en juillet, deux frères, tous deux pasteurs ont été assassinés alors qu’ils sortaient du tribunal dans lequel ils étaient jugés pour blasphème et pourtant reconnus non coupables. Il arrive parfois même que les accusés n’arrivent pas jusqu’au tribunal et soient assassinés dans leurs cellules.
Le problème que soulève cette loi, c’est qu’il suffit d’une accusation pour qu’une personne soit condamnée pour blasphème sans avoir besoin d’apporter de preuve matérielle (même si depuis 2004 la police est censée enquêter). Toute une affaire peut donc reposer sur un seul témoignage. On peut très bien imaginer que pour se venger une personne décide d’en accuser une autre sachant très bien qu’elle sera reconnue coupable (a fortiori si la personne accusée est chrétienne).
Mais la violence qui entoure les institutions judiciaires pakistanaises entraine également une remise en question de la validité des décisions rendues par les juges. En effet, la peur de représailles de la part de membres extrémistes de la société peut conduire les juges à durcir leur jugement afin de ne courir aucun risque.
Enfin, il faut également noter qu’au Pakistan, dans certaines régions reculées, la justice étatique n’est pas utilisée. En effet, lorsqu’un problème survient, ce sont des tribunaux tribaux qui sont convoqués et qui décident de régler leurs problèmes comme ils l’entendent. Ce qui aboutit bien souvent à des exécutions extra-judiciaires, hors de tout contrôle de la part d’un gouvernement qui gère difficilement les crises qui secouent le pays depuis quelques années.

 

La position délicate du gouvernement face à l’affaire d’Aasia Bibi et l’assassinat de Salman Tazeer, gouverneur de la province du Punjab

 

Après l’annonce de la condamnation à mort d’Aasia Bibi début novembre, le Président pakistanais Zardari a décidé de lancer une enquête sur son cas avec comme but de la gracier comme l’article 45 de la constitution pakistanaise le lui permet. « Le président aura le pouvoir de grâce, de suspendre et de changer toute sentence délivrée par n’importe quel tribunal. »
Prenant de cours toute réaction du chef de l’Etat, la Cour supérieure de Lahore a ordonné au gouvernement de sursoir au pardon car la procédure qui vise Aasia Bibi est toujours en cours. En effet, la sentence fait l’objet d’un appel.
La décision de la Cour supérieure de Lahore est discutable. L’article 45 de la constitution pakistanaise permet au Président de gracier une personne suite à toute décision de justice. Or une décision a bien été rendue condamnant Aasia à mort.
Le gouvernement se trouve donc dans une position délicate. D’une part parce que la communauté internationale le presse de relâcher Aasia Bibi sans plus tarder (notamment car elle risque d’être assassinée en prison) et d’abroger les lois sur le blasphème.  D’autre part le gouvernement doit faire face à des pressions exercées par des groupes islamistes qui semblent gagner du terrain au Pakistan, y compris auprès des tribunaux régionaux.
Le 4 janvier dernier, le gouverneur de la province de Punjab, Salman Tazeer,  a été assassiné par son garde du corps. Il était connu pour ses prises de position contre les lois pénalisant le blasphème au Pakistan. Il avait également apporté publiquement son soutien à Aasia Bibi. Son assassinat montre bien le climat de radicalisation qui touche le Pakistan. Suite à cet assassinat, des déclarations et des manifestations ont eu lieu pour célébrer le meurtrier. Lors de sa sortie du tribunal, des dizaines de personnes étaient venues lui montrer leur soutien en le couvrant, notamment, de pétales de rose. On ne peut que s’interroger sur les raisons qui empèchent les forces de l’ordre d’intervenir pour poursuivre ceux qui célèbrent de tels crimes.
La condamnation d’Aasia Bibi intervient dans un contexte agité qui vise les communautés chrétiennes dans certains pays musulmans.
Récemment en Irak, la communauté chrétienne a fait l’objet d’attaques à la bombe. Mi-Novembre, onze quartiers chrétiens ont été visés dans la capitale irakienne, Bagdad.  Au moins cinq personnes ont été tuées et une trentaine d’autres ont été blessées. Cette vague d’attaques avait été précédée par des attentats suicides visant une église catholique et tuant plus de 50 personnes.
En Iran aussi, les communautés chrétiennes connaissent une situation difficile. Pour les personnes qui choisissent de se convertir à la religion chrétienne, la conséquence est souvent la mort.
Citer d’autres exemples si vous en avez. Sinon, utiliser le mot « quelques pays » qui sous-entend « peu » et non pas certains qui peut cacher « assez nombreux ».
De nombreux chrétiens choisissent de fuir leur pays d’origine devant les persécutions auxquelles ils doivent faire face, dans un contexte de montée islamiste

 

La liberté de religion revendiquée par les Musulmans en Europe mais refusée dans les pays à majorité Musulmane

 

Les musulmans européens jouissent d’une assez grande liberté de culte en Europe ; il parait important que la communauté musulmane d’Europe agisse pour inviter les pays à majorité musulmane à garantir la liberté dont eux-mêmes bénéficient.
L’on assiste par ailleurs à l’heure actuelle en Europe à des prises de position dangereuses qui visent à limiter les libertés des musulmans d’Europe.  Des lois et réglementations visent tout particulièrement les musulmans – opérant donc une discrimination – et le droit fondamental à l’expression de sa religion.  Cette évolution est pour le moins inquiétante et représente une réaction par rapport aux traitements dégradants réservés aux minorités religieuses, aux enfants et aux femmes dans certains pays musulmans et qui sont maintenant ressentis par certains comme étant importés en Europe.  Les lois anti-burkas/niqab/hijab, la question des minarets, la montée de l’extrême droite et les prises de position sur l’immigration symbolisent  au moins en partie cette réaction.  La crise économique actuelle favorise d’autant la focalisation sur une religion qui compte un nombre important d’adeptes en Europe.  Ce ne sera pas la première fois que des pays en crise s’en prennent aux minorités attribuant de fait les problèmes du jour à ceux qui peuvent le moins se défendre.  On reconnait là des reflexes millénaires…D’un côté les gouvernements européens doivent reconnaître les limites de leur réaction et les musulmans d’Europe doivent lutter activement contre les mouvements extrêmes en leur sein en Europe et dans les pays qui nourrissent l’intolérance.

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