Le 25 Novembre: Non à la violence contre les femmes

Ecrit par Ludivine Tomasso, Jean Albert – Edité par Emilie Dessens 

Jeudi, 28 Octobre 2010 23:39

 

Cinquante ans après le décès des soeurs Mirabal: la violence à l’encontre des femmes, un phénomène toujours en expansion.

A l’échelle mondiale, pas moins d’une femme sur deux a fait l’objet d’actes de violence de la part de son compagnon et une femme sur cinq a été victime ou menacée d’agression sexuelle. Plus de 80 % des victimes de la traite – que l’on appelle d’ailleurs traite des femmes – sont des femmes. Chaque année des centaines de milliers de femmes sont victimes de mutilations sexuelles.
Et les violences ne vont pas en diminuant. Leur expansion n’est qu’en partie liée à leur médiatisation, qui les rend plus visibles et quantifiables, ou à l’accroissement de la population mondiale.  Certaines formes de violences à l’égard des femmes ont été combattues avec succès.  De nouvelles – ou d’anciennes ravivées – les ont remplacées et sont en expansion.  Elles se présentent de diverses façons : violences domestiques, abus sexuels,  rituels, polygyny, crimes dits d’honneur, exploitation, esclavage,  mutilations génitales.
De plus, on observe le recours dans certains conflits aux viols systématiques augmentant encore plus la violence pour les femmes. C’est le cas notamment en République démocratique du Congo où l’ONU estime qu’en 2009 plus de 8000 femmes ont été violées, chiffre qu’il faudra surement revoir à la hausse.  Le viol des femmes et des enfants est devenu une des armes du conflit.  Il traumatise les populations, détruit le tissu social, crée et entretient la terreur et assoie la pauvreté.
Le 17 décembre 1999, la résolution 54/134 de l’Assemblée des Nations Unies, a fixé le 25 novembre comme la journée mondiale de lutte contre les violences faites aux femmes. Cette résolution invite notamment les pays et les ONG à organiser des actions dans le but de promouvoir  les droits des femmes et de sensibiliser le public à la situation que vivent les femmes encore et toujours dans certains pays.
Le 25 novembre, un jour dans l’année pour se mobiliser et dire non à ces violences.  Ce jour symbolique ne doit pas se limiter à 12 ou 24 heures mais plutôt marquer l’affirmation de chacun pour un combat de tous les jours.

Pourquoi avoir choisi le 25 novembre ?

Ce jour a d’abord été choisi par les féministes latino-américaines en 1981 lors du premier forum féministe de l’Amérique Latine qui s’est déroulé à Bogota en Colombie.
Les mouvements féministes se sont développés après la chute des différents régimes autoritaires en place en Amérique Latine durant les années soixante-dix.
Et en 2008, le onzième forum de ce type a eu lieu au Mexique.
Le but de ce forum qui se déroule tous les 3 ans est de permettre le dialogue, la réflexion sur la place occupée par les femmes dans les sociétés latino-américaines, et également de mener  une réflexion politique.
En 1981, ces femmes ont choisi cette date pour commémorer la mort des trois sœurs Mirabal, militantes dominicaines assassinées le 25 novembre 1960 sur ordre de Rafael Leonidas Trujillo, alors dirigeant de la République dominicaine.
Ce jour a donc été choisi pour rappeler la vie de ces femmes et promouvoir la reconnaissance mondiale des violences infligées aux femmes en Amérique Latine.

Les sœurs « Mariposas », symbole de la lutte et de la résistance contre la répression et la violence.

Tout commence sous le régime du dictateur Trujillo au pouvoir durant une trentaine d’années de 1930 à 1961 en République dominicaine. Son régime a été l’un des plus sanglants du 20ème siècle.  Concentrant le pourvoir entre les mains d’un seul homme, les arrestations arbitraires, la torture, les disparitions forcées et les « accidents » sont légions.
Trujillo met également en place une politique anti-haïtienne et des milliers d’haïtiens sont ainsi assassinés sous sa dictature.
Les sœurs Mirabal sont : Patria la plus âgée, Maria Tereza la plus jeune et enfin Minerva la plus impliquée politiquement. Cette dernière a pour rêve de devenir avocate.
C’est en juin 1949 que leur vie change. En effet, Minerva, connue pour sa beauté, est invitée ainsi que sa famille à une réception officielle à laquelle assiste Trujillo. A cette occasion, le dictateur remarque Minerva et lui fait des avances, mais celle-ci se refuse à lui.
Quelque temps après, la famille est de nouveau invitée à une réception officielle. Ne pouvant décliner l’invitation, ils s’y rendent tous ensemble. De nouveau, Trujillo fait des avances à Minerva et la famille décide de quitter précipitamment la soirée.
Après l’incident, Trujillo, peu habitué à être rejeté, fait arrêter le père des sœurs ainsi que Minerva, soupçonnés d’avoir des liens avec le Parti communiste. Ils seront emprisonnés quelques semaines.
Toute la famille est placée ensuite sous étroite surveillance.
En 1954, Minerva se marie avec Manuel Aurelio Tavares Justo dit « Manolo », alors étudiant en droit, malgré les intimidations de Trujillo. La même année, Maria Teresa se marie avec Leandro Guzman également étudiant en droit.
L’Amérique Latine,  à la fin des années 1950, connait des événements importants. Les dictateurs en place en Colombie et au Venezuela sont renversés. Batista à Cuba subit le même sort : en 1959 les troupes de Fidel Castro entrent dans la Havane.
Le 14 juin 1959, un avion de combattants cubains issus du mouvement castriste atterrit en République dominicaine. Même si cette action se révèle inefficace car les combattants sont rapidement arrêtés,  elle crée une réaction au sein de la dissidence dominicaine et en janvier 1960, le Mouvement du 14 juin (« 14 de junio »), organisation dissidente et clandestine, est créé.
Le mari de Minerva est le président du Mouvement du 14 juin.  Leandro Guzman, mari de Maria Teresa en est le trésorier.  Minerva participe également au mouvement et y prend le nom de code de « Mariposa » – papillon en français –
Ses sœurs rejoignent le Mouvement du 14 juin.  Toutes trois utiliseront le même  nom de code : Mariposa.
Quelques temps après le début du Mouvement clandestin du 14 juin, ces membres sont tous dénoncés.  Ils sont arrêtés et torturés.  Les soeurs Mirabal y compris.
Suite aux pressions de l’Eglise notamment, les femmes sont libérées mais  les époux des trois sœurs restent incarcérés.
Pour Trujillo, être ainsi défié par une femme est insupportable. Il déclarera même publiquement que les deux seuls problèmes de son gouvernement sont l’Eglise et Minerva Mirabal ; ce juste avant de commanditer l’assassinat des trois sœurs.
C’est peu de temps après, lors d’une de leur visite hebdomadaire au centre de détention de leurs époux, que les trois sœurs et leur chauffeur sont assassinés.
Sur le chemin du retour, ils tombent tous les quatre dans une embuscade. Leurs corps sont ensuite replacés dans leur voiture pour faire croire à un accident.
Ainsi finit la vie des trois sœurs.
Paradoxalement, Trujillo qui pensait ainsi éliminer une menace directe à son régime n’a fait qu’accroitre le climat de mécontentement. Environ un an plus tard, le 30 mai 1961, il est à son tour assassiné.
Ces trois femmes, malgré les arrestations et les tortures subies n’ont jamais cessé de se battre.  Elles en sont mortes.
Aujourd’hui encore leur souvenir, le souvenir de leur courage, permet de fédérer les personnes du monde entier le 25 novembre de chaque année.
Hommes, femmes prenant position pour dire non, non à la violence, aux abus, aux mutilations.
Comme le disait Minerva « s’ils me tuent, je sortirai les bras de ma tombe et je serai plus forte ».
Le souvenir de ces trois « papillons » exceptionnels qui ont réussi à renverser une dictature mais également le souvenir de toutes les femmes anonymes doit nous rappeler qu’il est possible de changer les choses.

 

Pour aller plus loin :
  • Sur l’histoire des sœurs Mirabal
Au Temps des papillons de Julia Alvarez 1994 roman
« En el tiempo de las mariposas” film adapté du roman de Julia Alvarez en 2001 avec Mark Anthony et Salma Hayek.
« Tropico de sangre » film de 2010 avec Michelle Rodriguez et Juan Fernandez
  • Sur la dictature de Trujillo
La fiesta del Chivo de Mario Varga Llosa écrivain péruvien lauréat du prix nobel de literatura
La fiesta del Chivo film adapté du roman en 2005 avec Isabella Rossini
The Dictator’s Seduction: Politics and the Popular Imagination in the Era of Trujillo (American Encounters/Global Interactions)  de Lauren Derby
Trujillo: The Life and Times of a Caribbean Dictator de Robert D. Crassweller MacMillan, New York (1966).
  • Sur les violences contre les femmes
http://www.aidh.org/Femme/Images/Rapp-femmes.pdf rapport de 2006 concernant les violences faites aux femmes.
http://www.un.org/depts/dhl/dhlf/violence/index.html concernant la journée mondiale de lutte contre les violences faites aux femmes

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.